J'ai toujours eu un caractère bien trempé. Déjà, petite, je ne me laissais pas marcher sur les pieds. Hors de question d'avoir la place de victime, qu'importe la situation. On m'avait toujours dit qu'il fallait chercher le bonheur, le poursuivre et s'en saisir. Mais ne pas l'attendre, car il ne viendrait peut-être jamais. Petite fille, je me voyais déjà menant une belle vie bien remplie, insouciante et rêveuse. Puis j'ai grandit, et je me suis rendue compte que ça n'était pas si simple. Oui, il fallait courir après le bonheur. Mais il fallait se battre et tenir un rythme bien soutenu dans cette quête ! Sinon... T'étais mal barré !

FLASH BACK
« Tiens-toi droite... Tes coudes sur la table... Jamie-Ezra, ne souffle pas ! » Ça ne m'empêcha pas de lever les yeux au ciel. Ce que je pouvais avoir horreur de ces cours ! Quand je pensais aux autres enfants de mon âge qui, eux, allaient à l'école et se retrouvaient tous ensemble dans la même classe : ça me déprimait ! J'étais pour ma part coincée entre ces quatre murs, dans ce grand bureau bien sombre, et cette vieille femme aigrie par les années tentaient en vain de faire entrer des règles de calculs et de grammaire dans ma petite tête blonde. Avec son air sévère, elle m'impressionnait un peu. C'était peut-être pour ça que je travaillais si bien. J'étais une élève soignée et je faisais la fierté de mes parents. Ils attachaient tellement d'importance à mon éducation.
« Mademoiselle Calloway, restez concentrée ! » -s'écria-t-elle alors que mon regard s'était perdu au loin, en direction des jardins. Je sursautai, surprise. Mais quelle folle ! Dès qu'elle eut le dos tournée, je grimaçai... Sauf que je n'avais pas vu ma mère, dans l'encadrement de la porte. Sa voix, pourtant douce d'ordinaire, gronda dans la pièce. « Jamie-Ezra, file dans ta chambre, tu y apprendras peut-être la politesse ! »
FIN FLASH BACK

Oui, mes parents se montraient sévères à mon égard, je ne pouvais pas le nier. Je devais me montrer polie, souriante, avenante et surtout adopter un comportement des plus irréprochables. Ils n'avaient pas à me faire le moindre reproche, telle était leur exigence. En société, lors de dîners et autres réceptions, je faisais toujours bonne impression. J'étais bien jeune, naïve. Un vrai pantin entre les mains habiles de ma tendre maman. J'avais l'impression de tout faire comme elle. Très croyante, je la suivait à la messe, je n'oubliais jamais de dire le bénédicité avant le repas, et j'allais mêmme jusqu'à me promettre de rester vierge jusqu'au mariage. Pourtant, peu à peu, je commençais à m'affirmer et je faisais savoir ce que je voulais. Enfin, j'en avais l'impression...

FLASH BACK
« Et un, deux, trois et quatre... -pouvait-on entendre en fond sonore. Le cours de danse venait à peine de commencer, le professeur arpentant les allées qui s'étaient d'elles-même dessiner grâce à l'ordre et la rigueur des élèves.
- Pssst ! Jamie ! - Et ces dernières se voulaient, pour certaines, déjà dissipées. Je fixais mon reflet dans le miroir, tentant de rester concentrée. Il ne fallait surtout pas que je me fasse remarquer, craignant que mes parents en viennent à me retirer ces instants de liberté. J'avais durement négocié avec eux pour avoir l'autorisation de m'inscrire à ce cours de danse, promettant d'avoir un comportement irréprochable. Non pas qu'ils me séquestraient à la maison -quoique, c'était à voir !-, mais c'était ainsi qu'ils pouvaient être sûrs que j'étudiais correctement. La danse était une grande passion, et je m'investissais énormément. C'était un peu ma bouffée d'oxygène. J'y retrouvais des jeunes filles de mon âge, ce qui n'était pas le cas lorsque mon père m'emmenait faire de l'équitation et jouer au polo. Mon professeur croyait beaucoup en moi, et appréciait ma grâce et mon élégance d'après ses propres termes. D'ailleurs, elle avait tenu à s'entretenir avec moi avant de commencer notre échauffement. En privé. Et ça n'avait fait qu'attirer l'attention sur ma petite personne. Les regards des autres danseuses glissaient sur mes courbes, alors qu'elles s'interrogeaient sur le sujet de notre conversation. - Jamie !
- Mesdemoiselles ! Un peu de silence ! -reprit le professeur.
Je ne pu m'empêcher de tourner la tête vers mon amie -l'une des seules, ma vie sociale étant bien trop calme à mon goût-, me demandant ce qu'elle me voulait. La réponse, je l'eus très rapidement. Bien sûre, la curiosité l'avait gagné. Ne préférant pas répondre, je repris mes mouvements sans trop me soucier des soupirs exaspérés de la brunette.
- Jamie bon sang !
- Bon mademoiselle Andrew, ce n'est pas bientôt terminé ?! » Aussitôt le silence se fit. Plus aucun murmure, ni même bruit ne se faisait entendre, hormis les chaussons qui glissaient sur le parquet de la salle et le décompte rythmée du prof. Puis nous sommes passées aux choses sérieuses, entamant la chorégraphie. Malheureusement dans un mouvement rapide, impossible pour moi d'éviter la chute. Ma cheville ramassa sérieusement, cette dernière pliant sous mon propre poids. Mes mains se plaquèrent instantanément sur cette dernière, et un cri de douleur s'échappa d'entre mes lèvres. Le professeur accouru, et en m'examinant, laissa échapper :
« Oh... Je pense qu'il va finalement falloir oublier mon offre... Même une simple entorse t'empê...
- Si je pourrais ! » -m'exclamai-je. Mais ça n'était qu'illusion. Au final, le double fracture de ma cheville m'empêcha de poursuivre la danse de haut niveau, car ma cheville était définitivement abimée.
FIN FLASH BACK

Tout s'était envolé. Ma pseudo carrière avait été étouffée et tuée dans son œuf, sans avoir vu la lumière du jour, ou plus exactement le feu des projecteurs sur une scène de ballet. Soit... La terre n'avait pas cessé de tourner et la vie continuait. Je ne pouvais pas rester comme ça, à pleurer sur mes rêves brisés. Me reprenant en main, j'ai décidé de continuer mes études. En avais-je réellement le choix à vrai dire ? Je n'avais pas le temps, ni même la possibilité d'avoir des regrets tant mes parents étaient sur mon dos. La danse n'avait jamais réellement fait partie de leur plan me concernant, ça n'était donc pas très grave. Et puis mon passé de danseuse était derrière moi, enfermé à double tour dans un petit coffret à musique. Vous savez, celui avec la jolie ballerine mécanisée ? Je me lançais dans tout autre chose, et décidais d'étudier le droit. « Je » ? On l'a peut-être fait pour moi...

FLASH BACK
Le voyage avait été long et fatiguant. Épuisant même. Mais le sourire était toujours au rendez-vous. Rien ne pouvait entamer mon enthousiasme, fraîchement débarquée dans ce petit patelin. J'avais fait tant de kilomètres, tout ça pour leur faire plaisir. Un séjour qui allait m'offrir un peu de tranquillité en fait ? Ou bien du renouveau, du changement... Je ne parvenais pas tellement à le décrire. Ce don j'étais sûre, c'était que j'avais besoin d'air, et que c'était la meilleure de solution pour avoir la paix. Accepter et partir ! En aucun cas je ne voulais ressembler à mes parents. Inutile de dire que je me portais bien mieux lorsqu'ils n'étaient pas dans les parages. Mes propos pouvaient paraître bien irrespectueux, après tout, ils demeuraient mes parents. Sans eux, je ne serais pas de ce monde... Ou alors je serais peut-être différente. Normale ? Je refusais de ressembler à ces gens avide d'argent, de gloire, de reconnaissance. Dans le fond, je pouvais les remercier de cette initiative. Je tentais de m'en persuader, car ça ne m'emballait pas plus que ça ! Regardant à gauche, à droite, je tentais en vain de me repérer. Rien à faire. Et puis il y avait aussi Arthur à l'autre bout du fil, mon cousin, qui semblait se moquer gentiment de moi.
« Ne rigole pas, je galère là !
- C'est bien toi ça ! Tu n'es pas douée franchement...
- Oh ça va hein ! Si tu continues je raccroche ! » Je levai la tête vers un petit écriteaux et en me retournant bousculai involontairement quelqu'un.
« Hop attention !
- Désolée... Je n'ai...
- Qu'est-ce que t'as encore fait ?
- Rien, rien... Je te rappelle Arthur ! -Je raccrochai et découvrit alors le large sourire que venait d'esquisser la jeune femme qui me faisait face. Pas très grande, brune, les yeux couleur chocolat et les joues rosées.
- Salut, Je m'appelle Lucy !
- Enchantée, moi c'est Jamie-Ez... Juste Jamie !
- Enchantée, juste Jamie ! - Elle lança un regard au sac qu'elle tenait à bout de bras, le traînant presque par terre. - Tu as besoin d'aide peut-être ?
- Oui, voilà ma valise ! Tout naturellement, je lui tendis mon sac. Après tout, aux vues de sa tenue, elle était là pour ça, non ?
- Euh...Ok. » Sans rien dire, mais en me regardant un peu de travers, elle prit mon sac et jeta un coup d'oeil aux papiers que j'avais en mains, afin de me conduire à cette adresse. Je devais m'installer et prendre repose, j'en avais grand besoin.
FIN FLASH BACK

J'ai eu un peu de mal à m'intégrer. Ça n'a rien de très évident ici. J'ai l'impression d'être dans un autre monde. Je me demande d'ailleurs comment ils parviennent à faire des nuits complètes dans de pareils lits ! Les ressorts du matelas me rentrent dans le dos, c'est une horreur ! J'ai parlé avec Lucy. C'est une chouette fille ! Très vite, j'ai appris qu'elle n'avait rien d'une domestique, qu'il y avait eu méprise. Elle est rapidement devenue une amie. En fin de compte, ça n'était pas plus mal comme ça ; j'avais besoin de repères et de personnes autour de moi. Les gens allaient et venaient dans mon existence depuis mon plus jeune âge et je voyais en ces gens une telle simplicité qu'ils m'attiraient. Bon leurs tenues pouvaient être un brin plus chic, mais je faisais abstraction de ces détails. Je voulais les retenir car je m'attachais à eux sans même m'en rendre compte. Même ceux que je ne pouvais pas supporter en apparence !

FLASH BACK
Les baisers s'enchaînaient. Passionnés et à la fois tendres, brûlants à souhait. Je m'en délectais, appréciant chacun d'eux dans leur intégralité et n'hésitant pas à en redemander alors que les bras du jeune homme se refermaient sur ma fine taille, m'emprisonnant dans une étreinte exprimant simplement le désir que l'on partageait. Mes mains se plaquèrent sur son torse, jusqu'à ce que l'une d'elles vienne crocheter sa nuque pour l'attirer dans un nouveau baiser. J'en avais le souffle coupé et pourtant ça n'était pas ça qui me stoppait. J'avais envie de lui, c'était partagé et mon coeur tambourinait à tout rompre dans ma poitrine. Jusqu'à ce qu'Illan se fige, posant sa main juste au-dessus de ce dernier, et qu'il plonge son regard dans le mien.
« Pauvre fille, va...» Je n'eus pas le temps de réagir et répliquer que déjà, je me réveillais en sursaut.

A ses côtés se trouvait Lucy qui se goinfrait de popcorn. Toutes les deux vautrées dans le canapé, je mis quelques secondes avant de me rappeler qu'en effet, la miss s'était ramenée avec des films. Moi, je m'étais endormie devant ce film.
« C'est une comédie romantique, pas un film d'horreur... Pourquoi tu sursautes comme ça ?
- Je... Non, rien. J'ai fait un mauvais rêve.
- Eum... Raconte !
- De quoi ? – Je la fixais, avec un air feintant l'incompréhension.
- Bah ton rêve ! - Elle me fixait, sans rien ajouter de plus. Vite, il fallait que je trouve un mensonge !
- Oh c'est rien... Je me faisais encore crier dessus par l'autre idiot.
- Illan ? Il est souvent dans tes rêves dis-moi...
- Et alors ?
- Et bien je t'ai dit qu'il...
- Stop ! Je t'arrête tout de suite. Je n'y crois pas.
- …Ok, ok. Pas de problème. On n'en parle pas... Je vais rentrer. » Elle coupa alors la télévision, et se dirigea vers la porte. Je lui emboitai le pas, sans grande motivation. Avant de partir, la brunette me colla le saladier de popcorn dans les bras, accompagnant le tout d'un clin d'oeil.
« Prend soin de toi, ok ? Si t'as besoin de moi, je suis pas loin !
- Merci Lucy... Bonne nuit... » Je refermai la porte et m'appuyai tout contre. Soupirant doucement, je me laissai glisser jusqu'au sol, et je sombrai dans le reste de popcorn. Pourquoi ne quittait-il pas mes pensées ?