Fiancée. J’en suis encore toute troublée. J’avale toujours pas la nouvelle, je digère pas la pilule, je suis même pas près d’être en mesure de considérer un jour accepter ce fait. Ça me semble impossible, après tout, comment est-ce que ma vie peut avoir changer du tout au tout, comme ça, en à peine cinq minutes, le temps de faire dire « Tu es fiancée à ce pur inconnu riche et imbu de lui-même et vous allez vous marier. Fin de l’histoire. » J’ai encore envie de crier rien qu’à y penser. Non seulement parce que ça ne changerait rien, mais aussi et surtout parce qu’à l’instant présent, je ne suis pas seule, je suis même loin d’être seule. Dans cette immense bâtisse se retrouve tous les gens se retrouvant à travailler aujourd’hui dans le ranch. Tous ses gosses de riches qui se plaignent autour de moi me donne envie de vomir, alors que de mon côté, j’attend patiemment qu’on m’assigne une tâche quelconque pour la journée. Je ne reconnais pas vraiment les visages autour de moi, il faut dire que je n’y porte pas vraiment attention. Mes pensées sont encore et toujours toutes dirigées vers cette nouvelle qui me rend pourtant d’humeur exécrable et alors que tout le monde ici se plaint de devoir travailler, moi je m’en réjouis d’avance. Parce que travailler signifie avoir une tâche bien particulière à accomplir, et avoir une tâche à accomplir signifie avoir l’esprit occupé par autre chose que ce stupide mariage à venir. « Swinford; Cueillette des patates. » Je fais un signe de la tête comme quoi j’accepte, bien qu’on est pas du tout le choix d’accepter ou refuser nos tâches, et je me dirige directement vers le champ. Pas question que je perde une seconde de plus dans le bâtiment à n’entendre que râlements après râlements.

Le sol est dur pour les genoux, mais je m’en accommode rapidement, probablement plus rapidement que n’importe lequel de ces gosses de riches qui pensent que même ici, tout et n’importe quoi leur ait dû. J’en viens à me demander pourquoi est-ce que je suis ici, pourquoi est-ce que j’endure cette situation. Et puis me revient en tête l’image de mon père et je me dis que je préfère drôlement être ici qu’à la maison, en sa compagnie. Sur mes jeans, au niveau de mes genoux, je suis déjà complètement recouverte de boue, mais je m’en préoccupe pas, c’est pas la première fois que je me salis après tout. Et alors que je me retourne pour mettre les trois patates que je viens de cueillir dans ma chaudière, je fais face à ce que j’appellerais une surprise. Une mauvaise surprise pour être précise. Evren Rostrovski. Mon fiancé. Mon fiancé, ici, devant ma chaudière de patates. J’ai d’abord l’impression que c’était prévu qu’il se retrouve face à moi, sauf que son expression de surprise me met dans le doute. Merde, c’est quoi encore, tout ça? « Qu’est-que tu fiches ici toi? » Mon ton est tout sauf agréable. Après tout, il a bien dit d’accord lorsqu’on l’a obligé à m’épouser alors qu’il était évident que j’étais contre. Pourquoi voudrait-il m’épouser après tout? Je n’ai probablement rien du tout du genre de filles qu’il fréquente habituellement. De mon point de vue, il n’a absolument rien a gagné a accepter ce mariage arrangé. Et soudainement, j’aperçois la mini pelle qu’il tient en main, une indique à la mienne et je comprends finalement ce qui se passe. « C’est une mauvaise blague? » Nous deux, travailler ensemble, sous le soleil brûlant avec mon irritabilité qui vient de monter en flèche depuis que sa présence entoure la mienne? Quelque chose me dit que je ne m’en sortirais pas vivante et étonnamment, l’option de me retrouver en face à face avec mon père me tente presque.